Cahier spécial des Saisons de la Danse n° 272 - Septembre 1995

 

Olivier de Sagazan fait des dessins qui bougent. Il ne s'agit pas d'un simple effet du geste, de la vitesse d'exécution de ces croquis préparatoires à des œuvres futures, quand bien même il s'agit de performance. Non, les dessins bougent réellement. A force de fouiller toujours plus profond dans l'organisme, cet ancien professeur de biologie débusque l'ultime point fixe. L'univers se dématérialise, nos repères s'estompent; restent la tripe, le viscéral, l'épaisseur moite de la glaire et des humeurs. Or, lorsque l'on plonge ainsi dans l'intimité de la viande, quand on cherche à capter le grouillement, il faut un stylet sensible comme celui du sismographe. D'où ce sentiment d'un mouvement intrinsèque. Cette violence qui est faite à nos tranquilles certitudes. Pire, avec un sens affiné de la dérision, Olivier de Sagazan connait la vacuité de son projet ; il s'agit d'étapes d'un traivail et chacune de ces griffures appelle un trait plus juste, comme la poursuite effrénée d'une main captant son corps. La " Chose " de la Famille Adams s'est mise à la lecture de Schopenhauer. Tant il est vrai que ces œuvres, aussi inquiétantes soient-elles, gardent une distance désespérée et presque drôle sous leur déquisement sanglant.

Ph. V