Olivier de Sagazan fait des dessins qui bougent. Il ne s'agit
pas d'un simple effet du geste, de la vitesse d'exécution de ces
croquis préparatoires à des uvres futures, quand bien même il
s'agit de performance. Non, les dessins bougent réellement. A
force de fouiller toujours plus profond dans l'organisme, cet
ancien professeur de biologie débusque l'ultime point fixe. L'univers
se dématérialise, nos repères s'estompent; restent la tripe, le
viscéral, l'épaisseur moite de la glaire et des humeurs. Or, lorsque
l'on plonge ainsi dans l'intimité de la viande, quand on cherche
à capter le grouillement, il faut un stylet sensible comme celui
du sismographe. D'où ce sentiment d'un mouvement intrinsèque.
Cette violence qui est faite à nos tranquilles certitudes. Pire,
avec un sens affiné de la dérision, Olivier de Sagazan connait
la vacuité de son projet ; il s'agit d'étapes d'un traivail et
chacune de ces griffures appelle un trait plus juste, comme la
poursuite effrénée d'une main captant son corps. La " Chose "
de la Famille Adams s'est mise à la lecture de Schopenhauer. Tant
il est vrai que ces uvres, aussi inquiétantes soient-elles, gardent
une distance désespérée et presque drôle sous leur déquisement
sanglant.
Ph. V
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