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24h dans la vie d'un performer

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Pierre Jourde


Olivier de Sagazan est un des artistes les plus fascinants d'aujourd'hui, dans ses œuvres graphiques et peut-être plus encore dans ses performances.
         Il m'est arrivé, quelques rares fois, de me dire devant un texte ou un spectacle : « c'est ça, c'est exactement ça ». Sentiment d'une nécessité parfaite. Que cela devait être fait. J'ai ressenti cela avec Novarina ou Chevillard. A présent avec Sagazan.
         Dans son impressionnante performance Transfiguration, il métamorphose à vue sa tête, avec de la peinture, des objets, pour en faire de terrifiants masques de bêtes, de suppliciés, de morts vivants. Dans Sanctus Nemorensis, en pleine forêt, il se transforme en hommes des bois, en cannibale, en divinité sauvage. Dans Lenfermoi, c'est une sorte de personnage de slapstick qui entre en scène, costume gris, chemise blanche, visage entre le mime Marceau et Artaud. Il pénètre dans une roue dans laquelle, pendant plus d'une heure, il va courir sur place et déclamer un texte en partie improvisé. Le personnage tourne en rond en lui-même, mouline son langage, à la recherche de la parole juste. Enfermé dans son moi, enfermé dans l'enfer de ses mots. La cage où il court se situe quelque part entre une roue de hamster pour récit kafkaïen et un supplice répertorié de l'Hadès, entre rocher de Sisyphe et tonneau des Danaïdes.
Son discours d'abord tente de s'arrêter sur des mots solitaires, n'y parvient pas, se relance, approche d'objets désirés, repart comme pour couvrir de bruit ce qu'on ne saurait énoncer. Cela tourne à la glossolalie furieuse, puis, dans le noir, à des incantations vaudou, à des invocations de sorcier africain. Les montants de la roue deviennent tribune de Hitler, montants de la Croix, mais les paroles sacrées ne parviennent encore à dire que le moi. La verbigération se poursuit inlassablement, les mots se métamorphosent par paronomase, empiètent les uns sur les autres, on dirait du Lacan psalmodié par un Pierre Rep en folie. C'est une parodie de la langue en tant qu'elle ne parvient pas à sortir l'individu de lui-même, sauf peut-être, précisément, dans cette parodie même, où elle finit par s'épuiser. C'est cela qu'il faut peut-être : épuiser le corps et la langue pour en sortir. On n'est pas très loin de la démarche de Novarina, sous une forme très différente.  
Parfois l'éclairage s'éteint, on ne voit plus dans le noir que des points lumineux sur le corps de l'artiste, suivant ses mouvements, comme une giration de constellations.
 
La performance, véritable exploit physique, met en jeu le corps, le souffle, la parole, la lumière. Elle est à la fois plastique et littéraire. Totale, donc. Très loin des froides élaborations de concepts ou des symboliques pataudes de certains artistes, elle saisit, elle enthousiasme.                 

 

Bernard Noël

"...Voilà ce qui frappe quand on regarde les images d’une performance d’Olivier de Sagazan, images pourtant au second degré puisqu’une machine les a filmées. Ce décalage, en vérité, importe peu et même souligne sans doute l’engagement dans la mise à mal du visage et dans les diverses agressions qui le déforment. S’en prendre au visage, n’est-ce pas s’en prendre à ce qui caractérise l’humain ? On voit soudain paraître cette
« humanimalité » dont Michel Surya inventa le concept
pour en faire le titre d’un livre indispensable.

L’humanimalité d’Olivier de Sagazan est une métamorphose qui change sa face jusqu’à en faire la chose innommable greffée sur le cadavre de son visage. Tout cela, qui constitue un spectacle exemplaire, échappe cependant au spectacle à cause de l’oeuvre qui lui sert de support et qui n’a cessé de s’amplifier en occupant l’existence. Ainsi, quand il devient « acteur », ce n’est pas pour jouer un rôle, c’est pour qu’émane de son corps le sens de toutes les figures qu’il modèle où peint
afin de donner forme à la dérilection dumonde.

Michel Surya

 Transfiguration Démocratic Book

"Olivier de Sagazan fait de lui même une humanimalité en petit pitoyable, pathétique, magnifique. Se prenant non pas pour modèle, plus de modèle possible, jamais mais pour figure lui même de cette disparition, de ce disparaissement de toute figure. En quoi il conspire au secours et à la consolation de toutes les figures possibles, faibles, folles, infirmes, fragiles, apparaissant, disparaissant, par lesquelles passent toutes ceux à qui l'humanité est contestée, niée"

 

Marcel Moreau

LA CIVILISATION DES FONDS DE CORPS

"...j’écris face à l’œuvre de Sagazan, et du dedans de son dévergondement. Je crois avoir d’abord ajusté mon écriture de toute une vie aux à-coups de la sienne en représentation. S’est ensuivi un accord rare, telle la rencontre de deux « tectoniques » poursuivant le même but au nom de la même nécessité : faire trembler sur leurs bases le Mensonge comme monument et la frivolité comme phare. C’est dire si j’aime la violence de l’artiste, si je la crois éclairée-éclairante autant qu’elle est fondée-fondatrice. Je vois qu’elle monte, à la fois révoltée, salutaire, disloquée, roborative, de cette civilisation des fonds de corps qui fait de plus en plus défaut à notre lecture du destin de l’humanité en général et de l’individu en particulier. On la dirait, cette « civilisation », oubliée sciemment, ici engloutie de force et là ensevelie palpitante, ou alors colonisée à jamais, promise à l’extinction, par une technique ou un ensemble de techniques en planifiant la déshérence finale. Elle n’intéresse guère l’anthropologie, je veux parler de celle restant à inventer, qui pourrait se pencher sur les mœurs de nos organes, à commencer par leurs vibrations internes, avec la même curiosité et le même amour qu’elle destine aux ethnies que l’on sait. Cette forme d’anthropologie-là, à condition de la vivre par toutes ses fibres, est pourtant une des dernières chances qui nous soient données de sauver quelque chose de notre sensibilité aux pulsions, qui, dans la nuit des temps, décidèrent du passage du Néant à la Vie, et de la vie à l’explosion illimitée des formes. Ce que veut dire ici civilisation des fonds de corps : un écho, affaibli certes, néanmoins encore incidemment audible, des noces qui, à l’origine, unirent l’ondoiement simple de l’invertébré et un vibrion d’une complexité de monstre, dans un même élan vers l’absolu de la luxuriance vitale. Olivier de Sagazan ne fait pas que dévisager « son fond » de corps. De par sa violence, en l’occurrence exemplaire, à s’immerger à ce point en leurs coutumes haletantes, il s’en infuse la moelle qui est quintessencielle. Son art, son œuvre est médullaire de ça, qui nous dessille grand les yeux et les ouvre sur nos sous-continents en impatience d’être connus, rendus à leur érotisme de chair promise.


Ronan de Calan

Maître de conférence à l'Université Paris I – Panthéon Sorbonne. extrait de  Quand le visage perd sa face

" L'altération de la forme humaine ou du visage bouleverse les possibilités d'identification. L'autre s'impose comme un repoussoir, une figure de cauchemar. Impossible de le voir paisiblement dans la galerie, il saute aux yeux avec une force d'agression qui tient également à la puissance de son interrogation. Toute identification à lui est impensable, elle produit une inquiétante étrangeté. Le miroir est rompu, seule reste une monstruosité qui n'est plus altérité mais soi. Les parades sont impuissantes, baisser les yeux n'est plus possible. Mais l'art contemporain n'est pas une contemplation du monde, un éloge, il marque justement les déchirures sociales et individuelles, il entend porter témoignage. L'artiste n'est pas un enregistreur mais un résistant. Et les figures humaines abîmées métaphorisent le cri, le refus de se satisfaire d'une humanité diminuée. L'artiste entend, lui, répondre à son exigence intérieure même s'il trouble son public ; il doit continuer à pouvoir se regarder en face."

 

Philippe Verrièle

"Transfiguration" ED Democratic Book et PUA 2010

 

Les apparences sont là, avec une force d’évidence telle qu’un esprit un rien critique ou facétieux soupçonne quelques subtilités cachées. Pourtant, a priori, il est question de visage. A regarder Olivier de Sagazan, à genoux, se couvrant la bouche, les yeux, les cheveux, d’argile ou de filasse, il n’est pas douteux qu’il y a là quelque chose à voir avec la face. Et même toute la tête. Pour s’en convaincre notons que la performance Transfiguration que ce sculpteur et peintre donne en public depuis 2001, est , dans certaines programmations, précisée d’un sous-titre explicite, « avec surmodelage du crâne et du visage ». Petite précision qui renvoie à des pratiques rituelles répertoriées dans de nombreuses cultures, comme celles des îles Vanuatu ou Salomon, mais encore les Incas ou en ancienne Mésopotamie, et qui dans tous les cas revient à redonner aux morts, en même temps qu’un visage, une présence dans l’univers du vivant.

Entre le mois d’octobre 1999 et février 2000, feu le Musée des Arts d’Afrique et d’Océanie de la porte Dorée, à Paris, proposa une remarquable exposition, sous le titre superbe –emprunté à Apollinaire- La mort n'en saura rien. Il s’agissait de confronter soixante-quatorze objets venant de cultures aussi diverses que la Bavière ou La Nouvelle Guinée pour montrer « comment à partir de l'emblème universel du crâne s'élaborèrent des concepts culturels et esthétiques d'une grande créativité » comme le précisait le petit journal de l'exposition, lequel remarquait également que "dans certaines cultures d'Océanie et d'Europe, les vivants parent les crânes des morts pour qu'ils continuent d'exercer une mémoire et des pouvoirs ».

C’est assez bien notre sujet présent si l’on admet qu’Olivier de Sagazan rejoint une forme de rituel ancien qu’il renouvelle en le mettant en œuvre selon un principe très simple à décrire : un homme assis se couvre méthodiquement, mais à l’aveugle, le visage d'argile qu'il peint, mêle de paille voire de clous, jusqu'à perdre figure. Cet agissement convoque de multiples images : gueules cassées, masques rituels, reliquaires, vanités. Pendant la grosse dizaine de minutes que dure la performance, le visage devient idole primitive et figure de monstre, se pare de cheveux de poupée, emprunte le nez de Pinocchio, évoque le Golem ou l’épouvantail. Le performeur se glisse dans l’apparence d’un artefact imitant la vie dans une logique qui doit lui permettre « d’exercer une mémoire et des pouvoirs » comme s’il était mort, tout en restant vivant, cependant. Ce qui, on l’admettra, est un parcours un rien chantourné.

Or tout cela se loge dans le chef, avec une ritualisation un rien ostentatoire. On notera les mantras silencieux grommelés dont quelques bribes de mots affleurent, l’ordre scrupuleux de la cérémonie, la progression dans l’éructation : tout ce qui s’apparente proprement à un rituel d’exorcisme, puisqu’il s’agit bien de faire sortir quelque chose qui y résiste. Il faut se souvenir qu’exorcisme dérive du grec exorkizein qui lui-même dérive de la racine horkos, signifiant le fait de conjurer (faire des serments), mais aussi la limite ou la clôture (herkos). Exorciser c’est donc, en somme, faire sortir de la limite autant qu’éloigner par des serments, c’est-à-dire conjurer.

Puisqu’il est apparemment question de tête dans cette affaire, et puisque la pratique à laquelle nous voilà convoqué s’apparente, toujours si l’on s’en tient à ce qui relève de l’apparence, de l’exorcisme, déduisons qu’il serait question de faire sortir quelque chose de cette tête-là pour en retrouver l’équilibre et la sagesse. La justification de la performance pourrait être ainsi expliqué, même si cela peut paraître un peu facile. Mais on a quelques excuses, on peut même justifier. Le performeur lui-même l’a écrit qui confie « Juin 2000 est un triste mois, aucune production, concentration impossible, je ne sais pas où j'en suis, ni ce que je cherche. Il me vient alors une idée étrange, si j'ai perdu "la tête", il me faut la "ressentir", la remettre en place, je vais avec les mains toucher mon visage, y mettre de la terre et tous les matériaux que j'utilise pour ma peinture et ma sculpture. »[1]

Voilà donc la chose éclairée. Transfiguration tiendrait de la catharsis ; ce serait cette façon de toucher le crâne pour vérifier qu’il est bien en place, que la tête est revenue des morts. Cela fait des images bien fortes et l’on reste dans le domaine plastique tant il est vrai que la déformation subie par la tête fascine. C’est toute l’identité qui s’effondre quand la face s’englue sous l’argile ; c’est toute la relation avec l’homo sapiens sapiens qui se dérobe quand l’autre ne trouve plus d’yeux à fixer et de lèvres à lire. Mais le plus terrible reste à venir. Car, tandis que la matière submerge les traits, tandis que la terre prétendument originelle reprend ce que toute la lente émergence de l’homme était parvenu à lui arracher pour qu’il y ait, justement, là, du quidam, du machin-chose, du tartempion, tandis que la tectonique prend le pas sur le portrait, le reste du corps, lui, rugit qu’il se rattache toujours à l'aventure humaine. Obstinément il dit l’identité de l’homme quand le chef s'en échappe.

Si le visage constitue l’identité, le corps proclame l’appartenance à l’humanité. Dans cette aventure de crâne et de face, dans ce « dé-visagement », le plus hurlant vient du corps. Au début, quand la performance s’appele encore La Chair en face, (entre 2000 et 2005/2006), Olivier de Sagazan apparaît torse nu. Il commence sa prestation en enduisant son torse d’argile diluée, empruntant l’apparence de ces danseurs butoh[2], glabres, blanchâtres, lisses et hors du temps. Il s’agit de gommer l’anecdote du corps pour le rendre archétypal. La performance confronte alors un visage qui se déshumanise à un corps immarcescible et obstiné à dire l’humain. Ce n’est qu’après plusieurs représentations qu’Olivier de Sagazan va apparaître en costume. Un peu étriqué, avec une chemise blanche, une cravate un peu voyante, la raie bien sage dans les cheveux, ce qui est assez éloigné de la livrée habituelle de l’artiste, mais évoque assez bien un héros de Kafka ou mieux encore d’Italo Svevo. Un petit employé d’assurance, un homme de respect des conventions, un citoyen sans histoire auquel est soudain fait le reproche d’exister. C’est entre cette banalité du corps socialement encadré, vêtu et discipliné, et la face ravagée par la catharsis que se joue Transfiguration. L’adoption du costume permet au performeur de souligner la valeur « duchampienne » du corps dans la performance. Il est l’ultime ready-made porteur de toutes les significations, des interdits et des tabous les plus profonds et contraste alors avec l’inhumanité qui se joue sur la face ; il dit l’artiste toujours humain, quand même.

Le fameux petit schéma illustrant du singe à l’homme redressé la théorie darwinienne, pour faux qu’il soit, exprime bien comment la silhouette identifie l’humain et le distingue. C’est ce que le mot allemand Figur affirme en mêlant la figure et la silhouette. Et dans Transfiguration, la Figur demeure, s’obstine même à rappeler la grandeur banale de homme qui tout ravagé par la tempête morphologique autant que métaphysique persiste à être. A l’abbé qui lui rappelait que Dieu a fait l’homme à son image, Fontenelle répondit « et l’homme lui a bien rendu ». Dans Transfiguration, c’est le corps qui tient tête à la face.



[1] Olivier de Sagazan, Ame de boue, texte inédit envoyé par mail le 5 septembre 2010.

[2] Le butô (ou butoh, ou buto) est un style chorégraphique japonais de la seconde moitié du vingtième siècle. A partir de la fin des années 1950, Tatsumi Hijikata (1928-1986), le père du butô, enrichit la danse moderne Allemande introduite dans son pays avant la seconde guerre mondiale, de ses lectures (Bataille, Genet, Lautréamont). La rencontre avec Kazuo Ohno (1906- ) va constituer le point de départ de cette recherche artistique dont les noms les plus connus sont Carlotta Ikeda, Sankaï Juku, Ko Murobuschi ou Tanaka Min.

 





LES MAITRES DE LA FACE PERDUE

Extrait de "Quand le visage perd sa face"

Christian Noorbergen

Olivier de Sagazan n’est pas un cadeau pour les bassesses culturelles. Il arrache à la vie ce qu’elle ne peut donner. Il désinstalle nos systèmes de sécurité pour nous jeter dans les épouvantes du hors sens. Paroxysme inouï de l’abandon aux violences qui outrepassent les bienséances. Olivier de Sagazan, homme-autre, amène à l’extrême bord du gouffre où nous voudrions sauter, pour fuir l’insupportable proximité de l’invivable qu’il impose, qu’il explose, et qu’il racle à fonds éperdus. Crise et création s’étreignent, quand la face immense étreint l’univers,
Comme une turbulence violente, en effraction vitale, les artistes de la défiguration s’attaquent à la tête ( de l’art ). Ils savent fort perturber nos tranquilles surfaces, quand l’art ne se découvre que par ses remous...
Le paradis occidental, vidé de sa substance, cherche aux confins des visages de quoi étancher sa soif. Tout disparaît, sauf l’horreur de la disparition. Rituel d’apparition, innommable et sacrificiel.
Quand il y a trop de béton dans les cultures, les marges de l’art répondent par des charges préverbales où se bousculent les traces chaotiques de l’essentiel. Entre vie brève et folle santé. Les gueules du chaos veillent, et trouent le vide. Dans l’imminence d’une autre naissance, et dans l’attente d’une autre humanité… Comme si la nôtre ne méritait plus d’avoir un visage…
Par l’éclair venu des abîmes de la chair et frappant de plein fouet la béance des visages, ces transmetteurs disent les élans piégés des racines de la vie. Ils arrachent la peau par le dedans, et chacun s’y prend comme un sauvage… La fête sacrilège s’étend, quand la création vole à la mort-vie ses lambeaux d’être...

La part défigurée préserve le chaos initial de l’incarcération corporelle, elle maintient intactes les sources possibles d’un visage innombrable et pluriel. Elle dit les corps sacrifiés au rituel ordinaire de la normalité, et les faces altérées de nos ombres fouillent les affres de l’horreur identitaire. Ce sont figures d’avant langage, exténuant par avance tous les statuts imposés. Corps de liberté terrible, au prix à payer inouï. Pantins disloqués et sublimes de la nuit d’origine, ils ont peur des lumières qui aveuglent. La peinture est un miroir qui s’éteint. L’ombre est pure révolte. Violeuse de vide, elle s’agite en soubresauts de chair.

Philippe Verrièle

Les Saisons de la Danse 1097

Olivier de Sagazan extrait de lui-même une mémoire primitive, où la recherche spirituelle se traduit dans les matériaux les plus frustes. Le primitif et l'enfant ne voient guère les choses comme elles sont et l'artiste partage avec eux cette, manière de tirer des étoiles de la boue. Il dit la condition humaine, avec un réalisme bouleversé presque célinien (il a suivi des études de médecine), la vie, I'amour et la mort, d'une manière abrupte, immédiate, qui a pourtant sa part de douceur et de tendresse. On accouche, on nait, on meurt, on aime, on a le corps traversé d'aiguilles, et on ne voit guère ce qu'il pourrait s'interdire de représenter. Il dénude l'homme, montre sa vie dans ses petites cases vaudoues, le sculpte yeux grands ouverts, des yeux étonnés, qui savent qu'ils viennent de s'ouvrir et qu'il faut déjà se fermer, qui portent des espaces infinis.

Certes, la joie n'a que peu de place chez l'homo sagazanus. Les corps sont comme les soufflés d'Hiroshima, les figés de Pompei. Sauf qu'ici, la grande catestrophe, c'est la vie, avec seulement la distance du regard pour y loger un peu de grâce. Certains visiteurs du Rayon Vert se sont enfuis en courant, hagards : Les fétiches de Sagazan ont de quoi inquiéter, non parce qu'ils sont, mais par leur origine : on croyait que ces choses-la étaient exclusivement d'Afrique. Mais si un Européen est capable de ça, n'avons-nous pas tous, à l'intérieur de nous cette vision magique qui ne demande qu'à s'éveiller?: 
Et ne croyons pas que Sagazan est seulement un naÏf un peu cruel.
D'après Cecile Nivet, "il raconte une opération à cœur ouvert comme Ie plus beau spectacle de sa vie."


 


L'évolution actuelle du travail d'Olivier de Sagazan doit appeller, chez les passionnés de danse, une attention renouvelée. En effet, ce dessinateur-peintre-sculpteur, dont nous avons présentés les croquis préliminaires dans notrecahier programmation 1995 (n°272, septembre 95), évolue vers une forme de body-art, d'art corporel, dont la tension archaïque n'est pas sans rapport avec certaine frange d'une danse des profondeurs. Dans la performance-mais ce mot très connoté n'est peut-être plus approprié-qu'il prépare pour le vernissage de son exposition de janvier, l'artiste prévoit quelque chose qui relève vraiment d'un spectacle. Enfermé dans un énorme tube à essai, baignant dans un liquide, branché de multiples câbles reliés à des appareils, ces prothèses vitales qui entourent l'homo technicus aux deux bouts de la vie, la naissance et la mort, enveloppés de latex, Olivier de Sagazan va rejouer la partuntion comme un spectacle. Loin de l'anecdote, il s'agit bien chez cet artiste fasciné par le principe vital (doit-on rappeler qu'il fut preofesseur de biologie), de retrouver un peu de magie. Ce projet se place à la rencontre d'influences multiples. Sur le plan artistique, les arts primitifs en vogue aujourd'hui mais appartenant au vocabulaire de Sagazan depuis un séjour déjà ancien en Afrique, rencontrent une fascination certaine pour le fantastique, tendance Mary Shelley. Pour qui suit la danse avec un peu de persistance, on retrouve les échos de préoccupations qui sont aussi celles de Benoît Lachambre et Liza Witte, ou d'un splendide et malheureusement mal connu Living Space des Hongrois de feu The collective of natural disaster. Dans cette logique proche d'un certain Butô occidental ou d'un actionniste post-moderne, Olivier de Sagazan pose de vraies questions à la danse, d'autant que, pour corser davantage un cocktail théorique déjà épicé, ce plasticien a découvert la danse au travers des efforts de disciples de Gurdjeff…

"Performance" tiré des Cahiers du Rayon Vert -

 Dominique Bouchard

Mise en scène O. de Sagazan, salle Pannonica, le 29 Janvier 1997.

... La scène est dans la pénombre. Au milieu, un aquarium éclairé d'une lumière glauque, et qui a les dimensions d'une citerne. Le contenu en est un liquide trouble.... plus précisément un plasma traversé par un réseau de tuyaux et de sondes, dans lequel flottent des membranes. Parfois, il s'en échappe des bulles qui remontent à la surface, et qui éclatent au milieu de borborygmes étouffés.
Ce n'est qu'au bout de quelques secondes, lorsque les yeux se sont accommodés à cet univers aux formes incertaines et aux sons étranges que l'on croit reconnaître au fond de la cuve, à travers le liquide et les membranes, une forme humaine.
... Ses premiers mouvements sont auscultés et observés par une équipe de soignants sourcilleux.
L'être finit par s'extraire péniblement de son milieu. Comme une chrysalide.
... Une fois sorti, il reste quelques instants en équilibre sur le bord, et pousse un cri déchirant... avant d'affronter le monde qui lui paraît obscur et menaçant...

Sans aucun doute, le fait de naître apparaît ici comme une performance. Douloureux efforts pour se mouvoir, souffrance des poumons envahis soudainement par l'air. Le fait de changer d'univers nécessite un douloureux effort de l'organisme qui doit s'adapter aux nouvelles contraintes.
Contraintes physiologiques mais aussi culturelles et sociales.
Le spectateur a oublié ou plutôt enfoui dans son être, cette performance première, à l'origine du fait de vivre, c'est-à-dire passer du non-être à l'être. Ce spectacle nous la fait revivre comme un drame en pleine lumière.
Mais la performance est aussi d'un autre type. C'est celle de l'artiste qui tente de s'introduire dans son œuvre pour l'expérimenter de l'intérieur.
Immergé dans un univers biologique, le milieu ambiant de son œuvre, plus que la mort et la vie, il expérimente son œuvre, les sujets et le drame qui la constituent. Mais il s'agit bien là aussi d'une épreuve puisqu'il entre de plein pied avec son corps matériel dans un monde qui appartient à l'imaginaire et au symbolique.
La démarche peut apparaître narcissique, il s'agit bien en effet d'un repli ou d'un retour sur soi; mais elle est surtout une expérience menée à terme, un achèvement. C'est le sens premier de "performance". Aller au bout de soi dans son expérience d'artiste, pour Olivier de Sagazan, c'est s'immerger dans le milieu de son œuvre.

Ce plongeon dans l'oeuvre, une variante du saut à l'élastique dans le domaine de la création artistique, est probablement une des tentations profondes de tout artiste.



La grimace puante de la mort tiré des Cahiers du Rayon Vert - Victorien FAVREAU

Les statues décharnées d'Olivier de Sagazan ont des airs de cadavres exhumés ou autopsiés. On y voit et on y respire la grimace puante de la mort. Elles soulignent et installent sur un pied ce que l'on cache dans une tombe ou l'on fait disparaitre dans le four d'un crématorium. La mort est aussi et d'abord un corps qui refroidit et se décompose, un visage qui s'estompe, des orbites qui se creusent, une aubaine pour les asticots et les corbeaux.
Olivier de Sagazan nous ramène à cette réalité oubliée, son œuvre nous arrache à l'anesthésie générale et nous rappelle cette évidence: la mort existe et sent mauvais, mais elle doit être regardée en face et son odeur donne, par contraste, le goût et le parfum de la vie.
"Qui ne connaît plus la mort, ne connaît plus le plaisir. Imaginez que tout s'arrête dans une rninute, le besoin de communiquer et d'aimer devient extrême. Dès lors la mort n'est plus effrayante. Shakespeare ruisselle de sang et regorge de plaisir", explique-t-il. Olivier de Sagazan nous propose une variation, la sienne, de cette antienne vieille comme le monde mais oubliée chaque jour. Ses statues et ses tableaux sont ses Christ en croix, mais la résurrection qu'il nous suggère ne dépend que de nous. C'est sa justesse et sa force. D'autres ont tiré de cette fascination l'idée que la souffrance est nécessaire, voire même belle, allant parfois jusqu'à faire de la mort elle-même une source de plaisir.
La rédemption par la souffrance et le paradis post-mortem nous pourissent la vie depuis 1997 ans. Des officiers nazis organisèrent dans un camp de concentration un concours de photos sur l'instant de la mort. Pour prendre leurs clichés, ils pendaient des jeunes femmes avec une corde à piano.
La représentation de la mort est nécessaire, indispensable, mais délicate. Sa mise en scène peut être facilement pervertie. Il suffit de confondre l'idée dont nous parle 0. de Sagazan et la mort elle-même. La sienne ou celle des autres.

Articles parus dans La Gazette de l'Hotel Drouot

Lydia Harambourg

Corps de boue

Une sculpture incarnée au sens propre, puisque ce sculpteur accompagne son exposition personnelle d'une performance au cours de laquelle son corps nu, entièrement recouvert d'une glaise couleur terre dont il garde le secret ( aux terres est mêlé du kaolin dans des proportions particulières et qui est celle-là même utilisée pour ses sculptures) se met en situation d'attente, lentement animée dans une progression temporelle pour la vie de ce corps, sa respiration.

Métaphore existentielle à laquelle répondent ces " corps de boue ", homme et femme, certains grandeur nature, exprimant " cette situation invraisemblable d'être au monde". Individus en instance de vivre ou de disparaitre. Sagazan saisit ce moment suspendu, pris dans le silence. La matière forme une gangue, habille le corps en gommant toute anecdote ou voyeurisme forcené. Le corps s'offre dans sa pudeur charnelle et à la fois dans la nudité de son âme. Le corps vit, connait aussi l'érosion et la sculpture saisit cette transformation, la fige, l'arrête en lui conférant une présence troublante. Les attitudes, les expressions sont neutralisées

Les " hommes de boue " sont du côté de la pétrification. C'est par la matière, le travail de modelage, que Sagazan s'interroge sur l'urgence d'être là. Le limon, la terre donnent vie ? Debouts, assis, dressés ou abattus, ses corps atteignent l'éternité.



Galerie Pierre Marie Vitoux, 3 rue d'Ormesson. Place du marché Saint Catherine IV. Jusqu'au 4 décembre.

Le réalisme spirituel d'Olivier De Sagazan Ouest France - Daniel Morvan

Olivier de Sagazan extrait de lui-même une mémoire primitive, où la recherche spirituelle se traduit dans les matériaux les plus frustes. Le primitif et l'enfant ne voient guère les choses comme elles sont et l'artiste partage avec eux cette, manière de tirer des étoiles de la boue. Il dit la condition humaine, avec un réalisme bouleversé presque célinien (il a suivi des études de médecine), la vie, I'amour et la mort, d'une manière abrupte, immédiate, qui a pourtant sa part de douceur et de tendresse. On accouche, on nait, on meurt, on aime, on a le corps traversé d'aiguilles, et on ne voit guère ce qu'il pourrait s'interdire de représenter. Il dénude l'homme, montre sa vie dans ses petites cases vaudoues, le sculpte yeux grands ouverts, des yeux étonnés, qui savent qu'ils viennent de s'ouvrir et qu'il faut déjà se fermer, qui portent des espaces infinis.

Certes, la joie n'a que peu de place chez l'homo sagazanus. Les corps sont comme les soufflés d'Hiroshima, les figés de Pompei. Sauf qu'ici, la grande catestrophe, c'est la vie, avec seulement la distance du regard pour y loger un peu de grâce. Certains visiteurs du Rayon Vert se sont enfuis en courant, hagards : Les fétiches de Sagazan ont de quoi inquiéter, non parce qu'ils sont, mais par leur origine : on croyait que ces choses-la étaient exclusivement d'Afrique. Mais si un Européen est capable de ça, n'avons-nous pas tous, à l'intérieur de nous cette vision magique qui ne demande qu'à s'éveiller?: 
Et ne croyons pas que Sagazan est seulement un naÏf un peu cruel.
D'après Cecile Nivet, "il raconte une opération à cœur ouvert comme Ie plus beau spectacle de sa vie."


Extrait d'un article paru dans le Courrier de l'Ouest - 06 octobre 1994

Corps à Corps

Olivier de Sagazan, le Nantais, peint des êtres comme estompés par un souffle atomique. On pense aux tableaux de Bacon et ces corps-pantomimes d'autant plus tragiques qu'ils paraissent absents de leur propre douleur.

L'urgence d'être là; présent à moi-même. 

Mais comme c'est dur de se défaire de nos masques.
Il faut toute une vie pour retrouver le regard et la simplicité de l'enfance.

Après un long cheminement sur la représentation du corps où l'intérieur doit être déterré, parce qu'il ne faut pas se mentir, où le mouvement est l'expression des cris et tensions qui résonnent le long du corps, et où toujours l'on ressent une imminente déflagration; subitement et de façon radicale le charnp des possibles est inversé:

Le corps se referme de ses blessures, reste les empreintes,
Le cri se concentre en un "O" d'inspiration,
Les gestes fébriles ont disparu avec les membres et convergent en surface. Dans sa rectitude des arts premiers, "IL" attend, contemple, se donne.
Entre le bébé emmailloté et le vieillard dans son linceuil, dans un champ temporel détendu, il trouve, semble-t-il sa place, son office: Œil-du-Monde.

Et je voudrais tant que cela ne résonne pas avec Œil immonde mais plutôt avec Chant-du-Monde.

Olivier de SAGAZAN

Les Cahiers du Rayon Verts N° 3 
" Sentir une tête qui vient, une tête chaude et humide (car le plâtre chauffe en séchant) entre ses mains, puis un trou et des coulées de schistes rouge qui bavent de ce qui fera peut être une bouche, des pupilles de charbon qui se mettent en place d’un regard et du kaolin autour pour s’étonner de venir là. Une tête sous des doigts qui frétillent comme des poissons avides de formes. Une tête qui va peut-être dire quelque chose que depuis toujours je cherche à dire et qui comme d’habitude va trop rapidement se taire de froid. Des doigts qui vont plus vite que là où je suis, des doigts que je sent soudains être dans l’erreur et à qui il faut encore de la pâte pour nourrir vite cette tête qui a faim, terriblement faim d’avoir quelque chose à dire et un regard à porter. .. "
Extrait de carnets d’atelier d’Olivier de Sagazan 
Edit. Mémoire Vivante et HB Editions.


L'art du retournement Le problème avec le corps, c’est qu’on le voit toujours du même côté et avec le temps, l’oeil devient opaque. Je me souviens ; j’avais 5 ans, d’un coup de bâton, l’homme a tué le lapin. Quelques découpes et brutalement il a enlevé la peau comme un gant. Un autre corps m’apparaîssait violacé,fumant, tout branlant. Peindre ou sculpter, c’est aussi une affaire de position ; chercher à voir de l’autre côté,sans retenue. La faim de l’oeil est terrible et il nous faut faire un choix : Entre conserver l’opacité tranquille ou le …décalotter Je t’aime, un peu, beaucoup...

Olivier de Sagazan Extrait du catalogue "Corps -Texte"réalisée en 2001 à l'occasin d'une exposition à la chapelle des Franciscains à Saint Nazaire 44

 

  CORPS-TEXTES

Ouest France samedi 26 aout 2000

Olivier de Sagazan en quête de synthèse

Il organise à l'automne une exposition et un colloque sur le corps
On peut parler d'événement artistique majeur. Olivier de Sagazan, qui a installé son atelier de peintre et de sculpteur au Petit-Maroc dans l'ancienne épicerie de la place de la Rampe, organise à l'automne à la galerie des Franciscains, une exposition qui réunira des grands peintres et plasticiens, de renommée internationale, travaillant sur le corps comme Rustin, Velickovic, Labégorre, Franta, Cremonini, De Sagazan, Rebyrolle, Ernest Pignon Ernest, Pat Andréas.
. Ces regards artistiques multiples seront confrontés à la réflexion d'intellectuels exerçant dans des domaines différents, invités à un colloque sur le même thème.

Marie Jozé Mondzain, philippe Verrièle, Ronan de Callan, Marcel Moreau..Bernard Noêl.

Olivier de Sagazan nous explique sa démarche et ses attentes.

Quelle a été la genèse de ce projet ?
La proposition m'a été faite de monter une exposition à Saint Nazaire . Je suis rapidemment parti sur l'idée de réunir des artistes qui travaillent comme moi sur la question de la représentation du corps
mais aussi des intellectuels qui travaillent dans des domaines analogues
Et vous pensez qu'une cohérence sortira de tout cela ?
J'ai personnellement opté pour la peinture et la sculpture, mais tous ces travaux participent d'un même élan, qui fait partie de cet étonnement primordial inscrit dans l'homme, qui est d'essayer de comprendre ce qu'il est et ce qu'il fait sur terre. Là, ce sera l'occasion de réfléchir à la question fondamentale du corps. De la chair pour parler plus juste car, dès qu'on parle du corps - question qui est abordée depuis des siècles -, on tombe dans ce dualisme du corps et de l'esprit, avec cette ambiguïté que c'est l'esprit qui domine sur le corps, lequel est mis du côté de l'animal, de la bestialité, du péché. On cherchera une jonction entre ceux deux éléments.d'ou le concept de l'exposition Corps-Texte

Et peut-être le terme de chair pourra réunir ces deux notions en étant, selon Merleau-Ponty, une sorte de cinquième élément. Non pas une chair rabaissée au niveau de viande, comme on peut le voir dans le domaine de la science, mais une chair qui aborde aussi le corps sous l'angle de la sensation Il s'agirait alors d'élever le corps au niveau d'une chair vécue.

Le christianisme ne fait pas cette distinction.

Le message du Christ est très intéressant par rapport à ma démarche, mais il a été totalement spolié par la suite par les théologiens. C'est une des seules religions incarnées. Les très grandes diatribes au Ve, VIe et VIIe siècles entre iconoclastes et iconophiles ont fait des milliers de morts, parce que certaines icônes avaient été amenées dans certaines villes et on considérait comme un blasphème de vouloir réduire la déité à l'image. Jusqu'à l'arrivée d'un certain Théopoulos qui a dit : « Vous appartenez à la religion du Christ, donc vous estimez que Dieu a pris comme relais le corps pour parler aux hommes. C'est donc que le corps que vous dénigrez,
cette image, cette figure est au contraire quelque chose d'extraordinaire car c'est le lien avec la divinité. » À partir de là l'icône est devenue un moyen d'accéder à l'absolu.
On pourrait faire un parallèle avec l'art contemporain où actuellement on retrouve un intellectualisme forcené et pour qui l'art se réduit à des concepts. Dans le colloque, on retrouvera ces deux tendances, que j'essaierai de rapprocher.



Propos recueillis par 
Pierre BIGOT


(1)
Exposition du 13 octobre au 19 novembre à la galerie des Franciscains. Colloque le 14 octobre de 10 h à 17 h.

Geneviève Roubaud

J'ai vu et revu l'exposition d'Olivier de Sagazan.
Tableaux en ronde-bosse et sculptures, ne donnent que des personnages dont je
peux dire que ce sont des personnes. .
Ils sont souvent debout, effarés et chercheurs rigides, tentant de s'avancer dans un devenir qu'ils ne tiennent pas en main puisqu'ils les ont vides, ouvertes au bout de longs bras raides ne pouvant que montrer la force qu'il leur faut pour sortir du carcan du tableau qui a attrapé un de leurs instants... Ils sont parfois assis, effarés encore et guettant un impossible avenir un peu trop lointain puisqu'ils sont tendus en avant, tête cherchant plus haut que l'horizon des jours, un 'autre chose' certainement intérieur, qui leur donnerait à vivre audelà de ce point de tension extrême que seule l'assise leur perrnet de contrecarrer. Ou bien, un mouvement les animerait qui nous laisserait rêver d'une danse, d'un salut, d'un pleur ébauché, front au mur de la vie. Mais pas encore les mains ne sont à l'œuvre: elle sont résolument vides et, même si parfois elle s'étreignent, c'est pour se tordre et non pas pour se mettre paume à paume, afin de laisser nue et libre, l'arrivée éventuelle de ce fruit de la quête intérieure. S'ils sont si blancs, à peine ocres, brûlés, grisés, seraient-ils exsangues en leur chair de sculpture ? Je peux tenter de vous dire leur secret ? C'est qu'ils regardent leur sang d'intériorité.